– DJ Cut Killer – Part 2

Alors on s’était arrêté ou déjà ? Ah oui, dans la série des cassages, je n’avais pas fait mes devoirs car j’ai dit à Cut, dans les yeux, qu’il avait intégré le mouvement hip-hop en tant que DJ…

T’as vu mon DVD ou pas ?

Oui…

Alors ? [j’t’ai dis ou pas que maintenant c’est lui qui posait les questions ? xD]

Mais là je suis en train de bégayer, je connais la réponse mais on sait jamais #tahu… Bref j’ai la pression, mais évidemment que j’ai vu le DVD, et pas qu’une fois ! Donc j’me suis vite rattrapée 😉

T’as commencé dans la danse.

Ouais ouais [fiouuuu si j’avais donné la mauvaise réponse crois moi qu’il m’aurait dit, « aller, salut hein » haha] J’ai fait ce DVD à l’époque pour donner ma vision de comment le hip-hop est venu en France et comment moi je l’ai vécu et au fur et à mesure, comment j’ai fait mon parcours.

Ce que j’ai retenu de ce DVD en tout cas [pour vraiment me rattraper par rapport à la danse :P] c’est que t’as vu ça venir des Etats-Unis, vous avez essayé de copier le concept en France et toi là ou tu t’es vraiment démarqué des autres, et merci parce que c’était la révolution : t’as ramené le concept de la mixtape.

On était deux. Y avait Clyde [DJ pour Assassin, NTM] et moi. Mais au départ c’est la danse parce que c’est gratuit, c’est plus simple.

Mais t’as jamais continué la danse ?

Bah en fait le problème il est très simple c’est que j’habite à l’époque à Strasbourg-Saint-Denis qui est à 100m du Globo [la boîte de mes rêves, en fait]. A l’époque c’est Chez Roger Boîte Funk, et c’était [Jacques] Massadian, un des instigateurs du mouvement en France, qui faisait des soirées pseudo-culturelles de manière à mélanger les gens bobo de l’époque et ceux de la street. Et quand t’y rentres, effectivement, on est dans un club ghetto mais avec une vibe où y a beaucoup de danseurs. Sauf que moi quand je rentre dedans, je vois un DJ [tonton Dee Nasty en l’occurrence]. Je suis là comme un fou ! Et je me dis « non mais attends le mec il fait bouger tout ça là normal, dinguerie ! » C’est pas lui qui me donne le déclic, c’est Cash Money [from Philly, Baby], mais c’est avec lui que je commence à apprendre le DJing. Il donne pas de cours mais je regarde. Et ce qu’il fait là, je le garde en mémoire et quand, plus tard, j’ai des platines, je reproduis. Parce qu’à l’époque y avait pas de cours de DJ. Tu te débrouillais en mode ghetto !

Mais c’est ça aussi qui fait le charme de l’époque c’est que vous étiez tous autodidactes au final.

Obligés. On était obligés d’être autodidactes, que ce soit les graffeurs ou que ce soit les rappeurs, il fallait qu’ils pensent eux-mêmes avec un style, une direction… On était obligés. Fin, c’est pas qu’on avait pas le choix, c’est que c’était logique. Aujourd’hui, un gamin va aller sur internet pour se renseigner. Mais nous à l’époque fallait qu’on le voit de visu. On pouvait pas faire autrement. 

Mais toi est-ce que c’est l’essence de la discipline de DJ hip-hop qui t’a attiré ou bien si ça avait été un courant rock ou punk par exemple tu te serais quand même lancé dedans.

Intéressant comme question [ouais, ça m’arrive #LoL]. T’as 14-15 ans, les parents de tes potes les inscrivent dans des disciplines comme le foot, le basket ou autre. J’avais des potes même qui faisaient des instruments de musique. Quand je demandais à mon père « vazy steuplai, inscris moi au foot », il me disait « va à la poste » [M.D.R.] Ok j’ai compris. Donc je trouvais pas de passion. Y avait l’école, tu rentrais, tu voyais tes potes et après y avait rien. Et dans ça [le DJing] j’ai trouvé une espèce de second souffle en me disant : c’est cool, y a un truc à faire. On sait pas encore si ça va perdurer mais déjà c’est cool d’avoir une passion. Surtout à l’époque quand t’es collégien, puis lycéen, t’as un mode économique qui est que, apparemment, faut que tu fasses des études pour pouvoir avoir un métier, pour pouvoir après derrière subvenir aux besoins etc etc [à qui l’dis tu !]. Au départ on voit pas l’argent. On voit simplement quelque chose qui nous plait. Et quand je me mets dans le DJing, ma mission c’est de dire « comment faire kiffer autant les gens qui vont écouter cette musique comme Dee Nasty m’a fait kiffer quand j’écoutais Radio Nova ? » J’écoutais tous les vendredi soirs, je me disais p*t**n le mec il connaît tout sur tout ! C’était un puit de science. Y avait pas internet, y avait rien, et le mec te disait « on a un tel qui vient de Staten Island, qui sort le maxi sur MC Record » [comme ça ça veut pas dire grand-chose mais tu vas vite te mettre au langage hip-hop hein, Maggle !] Wesh comment tu sais tout ça là, gros ! [j’ai explosé de rire tellement le wesh et le gros venant de lui m’ont tuée] J’aimerais bien savoir tout ça ! Et c’est que quand tu le rencontres après, quand tu vas à la radio pour le voir, que tu vois que le mec reçoit des disques des Etats-Unis avec des infos. Comme une bio en fait. Et du coup tu comprends le process.

C’était facile à l’époque justement d’accéder à tout ça, comme tu dis, de voir Dee Nasty à la radio, etc ?

Ah alors, c’est un petit monde. On est pas en 2019, là je te parle comme si on était à l’époque. C’est un petit monde donc du coup, sur Paris en tout cas, on voit que y a des crews qui se forment : les NTM c’était des danseurs, y avait les débuts d’Assassins, Timide et Sans Complexe, Solaar avec Posse 501. On le voit surtout avec les tags mais quand on se croise en soirée on sait qui est qui. Notamment au Globo. Au Globo tu rencontres du monde. C’est là que j’ai fait principalement toutes les rencontres qui ont fait qu’aujourd’hui je connais tout le monde. De Châtillon au 93 [si si !], tout le monde se retrouve là. Mathieu Kassovitz et Vincent Cassel on les rencontre là [les débuts de Kourtrajmé, clin clin à Ladj Ly actuellement aux Oscars]. Pour l’instant ils sont personne. Sauf Vincent qui est le frère de Squat [et fils de Jean-Pierre Cassel, voyons !], donc il a une connivence là-dessus. Mais ça on ne le sait pas encore. Pour l’instant on rencontre les gens mais on ne sait pas qui ils sont vraiment. On repère. Et au final même si des fois y en a qui s’apprécient pas, on sait qui est qui.

C’est bien de préciser « même si on s’apprécie pas ».

Bah bien sûr ! En fait c’est pas qu’on s’apprécie pas c’est qu’on est en compét’. C’est-à-dire que les mecs du 93 de Saint-Denis se mélangent pas avec des mecs d’Aulnay. Les mecs d’Aulnay se mélangent pas avec Châtillon. Châtillon se mélange pas avec Porte d’Orléans… C’est comme ça, c’est normal ! Tu connais pas les gens, on a pas la culture de savoir qu’il faut s’entraider, nooon ! Quand on va au Globo, on sait que si on va faire une démo de danse, on va devoir clasher quelqu’un. Donc faut sortir les phases. C’est que ça. C’est de la compét’ en permanence.

Mais de la bonne compét’, c’est mieux que ce qu’il se passait dans les rues à l’époque quoi.

Ça dépend ! Une battle de danse peut se terminer en coupe gorge [ça me rappelle notre conversation avec Solo qui avait un peu le même témoignage]

Ça c’est les mauvais joueurs.

Mais à l’époque qui a dit que tout le monde était bien ? C’est le ghetto ! Pour l’instant c’est ça. Après tu apprécies quand tu sais que t’as des gens qui ont un bon fond. C’est comme ça qu’on connait les Lucien [Hervé] et qu’on va à New-York. IAM je les rencontre avec un pote qui travaillait dans un magasin hip-hop : je savais même pas qu’il y avait un mouvement hip-hop à Marseilles qui était déjà en avance. C’est pour ça que tout se regroupe au fur et à mesure. Joeystarr c’est le premier qui a amené la mixtape de Concept à Paris. La première mixtape officielle hip-hop c’est IAM Concept [punaise, les marseillais étaient vraiment en avance en fait !]. C’est l’album zéro d’IAM et c’est Joey qui l’amène à Paris. C’est comme ça qu’ils se font connaître aussi.

Donc y avait un peu de solidarité quand même à l’époque.

Une solidarité dans le sens : y a un travail qui est fait. On connaît NTM à l’époque, qui sont d’abord les danseurs d’Assassin [tu l’savais ça, Maggle ?] Et c’est au fur et à mesure qu’ils se mettent dans le rap. Quand ils se disent « eux ils font ça, nous aussi on peut le faire ! », ils y vont en mode freestyle. Quand IAM Concept sort, ils sont encore en mode freestyle, ils font des trucs mais y a rien d’officiel. Mais ils commencent à grossir. Et vite. [En gros si tu t’en donnes les moyens, on t’aide à monter, si tu fais de la merde, on te laisse là ou t’es… où est cette époque ?!]

Et là un mec vient taxer une cigarette à Cut mais nooooooooormal. Cut lui dit « ok mais c’est 2 euros »… Le mec a bugué sur ça mais n’a jamais réalisé qu’il parlait à une légende puisqu’il a pris sa clope sans scrupule… Aaah l’inculture !

Mais du coup en parlant de ça, tu trouves pas que maintenant ça devient de plus en plus individualiste ? 

… Hehe toi aussi tu veux savoir ce qu’il pense du hip-hop aujourd’hui ? Eh bah sois patient hein ! La suite semaine pro comme d’hab 😉 En vrai la conversation à durer 2h pour de vrai et je veux pas couper parce que c’est trop intéressant. Donc au lieu de te balancer tout d’un coup, j’te mets du suspensss c’est plus cool 😀

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