Chapitre 7 – Nos Last Poets à nous.

Avant de commencer, j’ai une question : toi aussi t’es d’accord que quand on essaie de comparer un rappeur de notre cher pays, la France, souvent on le compare à un chanteur de variété française ou à un rappeur américain ? Genre, on parle d’inspiration Brassens ou influence Wu Tang, en gros. Pas vrai ? Ça semble cool comme ça, mais pourquoi en fait on est incapable de le comparer à un “père” du rap français, tout simplement ?

On sait que le hip-hop, et notamment le rap, sont nés aux US et que du coup la culture dans le reste du monde doit ses racines au Bronx. Ok. Mais les américains, en vrai, ils se sont inspirés de qui ? Pourquoi Zulu nation ? Pourquoi des beats cadencés ? Ah bah parce que les kainris ils sont pas bêtes en vrai (si on enlève Trump de la moyenne). Ils ont compris que la puissance vient d’Afrique. Mais ça tu l’sais déjà, right ?

Donc nous quand on est là à attendre que les US dropent le dernier son qui va tuer la saison, eux ils sont déjà chez nos voisins, oui, voisins, en train d’alimenter leur créativité. Et Rocé, ça, il l’a compris. Ce qu’il a compris aussi c’est que c’est beau de comparer nos artistes à des références d’un certain genre mais surement qu’on ne les compare pas aux bonnes personnes. En même temps si on ne nous parle pas de ces personnes, comment on va les connaître, hein ? Ces références qui nous manquent ce sont les Damné.e.s de la Terre. Les oubliés. Des artistes que ni toi ni moi ne connaissons, soyons honnêtes, et pourtant, ils faisaient du rap avant le rap, ils revendiquaient leurs positions avant que NTM ne l’fasse et surtout on en parlait pas parce qu’ils dérangeaient un peu… Tiens tiens, ça te rappelle pas un truc qui “débarque” en France dans les années 80 ?? Eh oui, Maggle. On parle de la même chose. Et vu qu’on s’est promis de se cultiver ensemble sur une cause qui nous rassemble, on va s’intéresser à pourquoi Rocé a débarqué avec sa compile où il fait témoigner, d’une certaine façon, ceux qu’il considère comme les damnés de la terre.

En fait, si tu regardes la musique française de façon générale, il y a peu de chansons engagées. Y a des chansons sur la guerre, ouais, des chansons qui critique des décisions politiques ouais, mais genre des chansons engagées sur une période actuelle, nada, walou, niet, rien, nothing (#LOL). Ou alors on en parlait pas. Donc on connaît pas. Donc on avait un problème avec certaines revendications. “On”, enfin la société quoi. Alors que si on va aux US, ça fait beaucoup d’aller-retours, je sais. Mais si on va aux US, on peut en citer des dizaines et des dizaines et des dizaines ! Notamment The Last Poets qui sont considérés comme une inspiration majeure des premiers rappeurs/groupes de rap aux États-Unis. Le nom du groupe est pris d’un titre d’un poème d’un poète Sud-Africain, les instru sont principalement des percussions et, ils le diront eux même, leur inspiration vient de la Terre Mère, Africa baby. Pourtant tu sais quand a été créé le groupe ? En 1968. Premier album ? En 1970… Plus vieux que la soirée de DJ Kool Herc si tu t’souviens… Donc oui, qu’on le veuille ou non, l’Afrique a sa patte dans le hip-hop et c’est pas nouveau. Mais pourquoi en France on a besoin d’attendre que les US fassent le mouv’ pour valider ensuite ? Wesh, on a pas de personnalité ou quoi ? L’Afrique c’est notre voisine ! Avec l’immigration, même la culture en France elle est africaine ! Alors pourquoi c’est pas nous les avant-gardistes ? Et pourquoi on est incapables de trouver nos Last Poets à nous ? Incapables j’ai dis ? Lol pardon, Rocé s’est occupé de relever le défi.

Dans Par Les Damné.e.s De La Terre, Des Voix De Luttes 1969-1988, Rocé a rassemblé des artistes du monde entier, oui oui, de chaque continent, qui se sont exprimés en français pour dénoncer des situations qui correspondaient à leur actualité. Et musicalement ça se rapproche du slam, voire du rap. J’ai découvert Dane Belany. D’ailleurs partie aux US parce que justement à l’époque elle s’y retrouvait pas en France. Mais peut-être que c’est elle notre Last Poet. Spoken Word en français :

J’ai aussi découvert Alfred Panou, artiste bénino-togolais, et engagé, obviously. Frantz Fanon, militant martiniquais luttant pour l’indépendance de l’Algérie (keur keur). Le collectif Dansons Avec Les Travailleurs Immigrés. Et Hô Chi Minh. Non j’ai menti pour le dernier, on s’calme.

T’sais ce qui me touche dans ce projet ? C’est la solidarité qui en sort. J’sais que j’te sors ce mot à toutes les sauces mais c’est plus que sérieux, Maggle ! Déjà solidarité parce que les artistes, tous aussi différents les uns que les autres, chantaient des causes qui n’étaient pas forcément les leurs mais par rapport auxquelles ils se sentaient concernés, genre les anciennes colonies, genre les ouvriers, genre les opprimés. Puis quand on regarde de plus près, c’est généralement des collectifs qui sont derrière ces chansons. On se rassemblait et on se battait pour une cause commune. Kapito ? Et surtout, le plus beau dans tout ça, c’est que Rocé il partage ses découvertes avec nous. Projet revendicatif mais de transmission avant tout ! Car, au même titre que la solidarité, je te dis tout le temps qu’on doit savoir d’où on vient pour savoir où aller. Et là, avec ce projet, on a découvert une part de nous (zaama #romantisme) qui nous était cachée. Le hip-hop français avant le hip-hop français. Sisi, grosse punchline de Nana from the block xD

Bref. Autre point qui rejoint la solidarité, la fraternité. T’sais, je t’ai dit que c’était des artistes du monde entier. Du coup, devine quoi ? Pas de racisme ! Notre point commun ? La langue française ! Et on se demande pourquoi… Nos ancêtre ont combattus ensemble, frère, faisons leur honneur et restons soudés.

Et qu’est ce qu’on doit retenir de ce projet pour aller plus loin ? C’est simple. Il a confirmé que dans le hip-hop français, y a pas de continuité, que des cycles. Et ça c’est dû à un manque de solidarité et/ou de transmission. Chaque rappeur arrive avec son truc, fait son truc, kiffe son truc et ciao. Un autre arrive, avec un truc différent, et ainsi de suite. Ce qui explique l’industrie aujourd’hui je pense… On y reviendra plus tard car j’ai discuté de ça avec Solo. 

En tout cas, merci Rocé ! Ça nous rappelle combien on sait pas grand chose quand on croit tout savoir. Ça nous rappelle qu’être solidaire ça peut faire des choses canons et qu’au final, rap ou pas rap, on a des points communs dont notre langue en est la preuve : n’oublions pas notre histoire. Vive l’Afrique et vive les states pour nous le rappeler (#joke). Et dans notre cas, vive l’immigration, vive la mixité et vive la France keu même <3

PS : tu connais l’abcdr du son ? Si tu connais Mehdi Maïzi, tu connais forcément, sinon, va lire leur interview de Rocé qui parle justement du projet Par Les Damné.e.s De La Terre > http://www.abcdrduson.com/interviews/roce-les-histoires-partagees/

 

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