– Nikkfurie – Part 3

Enfin, Maggle, enfin ! On a posé notre première question à Nikkfurie et à vrai dire… on avait pas le temps pour une deuxième… A ta lecture !

Quelle est ta définition du hip-hop ?

Pour hip-hop, la toute première définition que j’aie c’est : l’émulation des 4 disciplines hyper naturelle, parfaite pour les non-initiés de l’académisme culturel et surtout pour les autodidactes. En gros si t’as une énergie corporelle qui peut te permettre de faire tel et tel type de danse, et bah t’y vas sans te poser de questions. Pareil pour l’écriture, qu’elle soit sur les murs ou musicale… Le côté vandale aussi pour moi est indissociable de la définition du hip-hop. Surtout pour le tag à la base. Il y avait une tension, une adrénaline de ouf et nous, j’me souviens, on suivait mon frère Hitek [l’autre membre de La Caution ;)], il s’enfermait dans le métro pour taguer toute la nuit ! Nous on volait des bombes pour qu’ils fassent leur truc. Y avait un coté qui correspondait un peu à l’état d’esprit dans lequel on était. Cette émulation-là, pour moi, c’est ça le hip-hop. En tout cas de la manière dont je l’ai connu. 

Un peu plus tard, c’est quasiment, ça s’est quasiment résumé au rap. Pour une raison simple c’est que les autres disciplines bah finalement on s’est rendu compte qu’en réalité elles étaient pas si hip-hop que ça. Ou en tout cas, elles étaient pas stricto hip-hop. La seule discipline qui était stricto hip-hop, c’est le rap [t’es d’accord avec ça, Maggle ?]. En fait, la danse est par essence pas uniquement hip-hop. Et c’est pas une tare hein ; je dis pas ça dans le mauvais sens. Pareil pour le djing, c’était versatile… tu vois y a des moments ça flirtait, surtout avec les Native Tongues [faudrait tout un article pour parler d’eux mais si j’te la fait court, Maggle, il s’agit des De La Soul et A Tribe Called Quest, entre autres], entre la house et le hip-hop parce que le djing ça se partageait un peu dans tout ça. Mais le vrai truc strictement hip-hop c’était le rap. C’est le truc qui était cloisonné, en tout cas selon nous, et bien sûr une grosse partie des graffeurs, DJs et danseurs l’étaient aussi. Mais c’est vrai que c’est très rare qu’un mec qui a rien à voir le hip-hop fasse du rap contrairement aux autres disciplines. C’est sûrement pour ça que c’est celle qui a très vite été centrale. Mais quoiqu’il en soit, cette énergie qui se dégageait du rap puait le hip-hop. Au tout début, en mode kids, on devait avoir quoi ? 11-12 ans, c’était plus[sssss] l’émulation tag, graff, breakdance qui était excitante. Le tag, tout le monde essayait de se trouver un petit blase et compagnie. T’avais ce truc là, c’était monstrueux ! T’avais vraiment une super vibe qui s’en dégageait et comme, dans les endroits dont on est issus personne n’avait l’argent pour aller au conservatoire, aux écoles de dessin, école de danse…, cette culture est tombée à pic. Et ça nous permettait d’avoir notre truc et de bomber le torse face aux mouvements plus académiques qui apparaissaient ringards parfois même. Du coup, on griffonnait nos tags, on apprenait quelques mouvements avec Break Street [84′], Breakin’ etc etc. Mais très vite c’est vraiment ce qui se dégage des morceaux de rap qui nous a complètement happés. Par exemple quand l’album de, je sais pas, l’album de Rakim, les albums de Run DMC, l’album de Public Enemy, l’album de Wu Tang, le premier et le deuxième d’ailleurs même, les premiers albums d’NTM, d’Assassin, etc, sortent, c’est ce qui se dégage qui te donne une pêche de ouf. Même si c’était des disques denses et durs d’accès, on était comme des dingues. En fait pour moi, ma vraie définition du hip-hop avec le recul se résume dans le « Do It Yourself » mais avec en plus une espèce d’agressivité et d’arrogance dans le sens vous comprenez pas mais on a raison. Et ce truc-là, moi, j’trouve ça fantastique. C’est à dire que quand le Wu Tang arrive, t’es en pleine vague West Coast sympa, RnB, et t’as un truc darkissime avec un mec « aaaa » qui crie, qui pleure et le mec il semble dire aux gens tu comprends pas mais on a raison. Et ça tue. Et ce truc-là pour moi c’est même limite le truc qui m’donne encore l’envie d’écrire des trucs qui tuent et de produire des trucs qui seront considérés bizarres pour la plus part. Et c’est pas si grave que ça, pas besoin d’être un milliard… Après, il y a la musique de masse, et c’est un vortex qui a même aspiré cette culture qui était censée être à contre-courant… Et aujourd’hui le problème du rap c’est que la pop urbaine a réquisitionné une grande partie du public « naturel » du rap. Ça a quasiment accaparé l’entièreté du public du rap même. Mais y en a encore du public pointu et exigeant et nous avec c’qu’on a créé en France, un espèce de rap alternatif, on a bien vu qu’y a un autre public qui peut écouter du rap d’une autre manière. Et ben c’est… t’sais faut travailler avec les niches, le rap il est venu par une niche, si il faut recommencer et ben on ira au charbon… En espérant qu’a un moment donné, y ait un déclic chez certains kids et que eux changent la donne à nouveau. Après, plus politiquement, y a un truc assez sournois avec l’analyse du rap en mode consumérisme car dans la société actuelle, plus tu rends débile les gens plus ils t’adoubent et le rap a cédé aussi. Parce que c’qui empêche les gens de voir l’enc*lerie, excuse-moi le terme, mais c’qui empêche les gens de voir ça c’est uniquement le confort. Et on a tous un smartphone qui nous distrait et nous fait croire qu’on est au top [#LoL]. Mais si demain tu veux aller à la guerre, bah va falloir laisser ton smartphone et ton confort… et du coup le rap est réellement rentré dans le truc assumé de je m’enjaille, j’veux de l’oseille, j’m’en tape des valeurs et compagnie. Et pourtant, quelque part, on est une société éduquée, beaucoup font des études, etc. Avec La Caution, un moment donné on appelait ça des demeurés instruits : y a des jeunes ils ont des bacs plus j’sais pas combien mais c’est des demeurés pour une raison simple : tu peux être instruit parce que t’as appris la physique quantique mais niveau sociétal t’es un demeuré, t’es un boloss total de tous les trucs de consumérisme. Et ça c’est le game de la nouvelle religion mondiale qui est celle du consumérisme avec wall street qui fait office de lieu saint principal ! Et c’est pas du complotisme hein, cette idéologie assumée, celle du « tu peux tout faire et tu peux tout être » est l’inverse du pragmatisme de la vraie vie, pas la vie fantasmée. Normalement c’est « patiente, avance petit à petit, travaille et tu seras ce que ton travail te fera mériter et le talent que tu as eu à la base… » mais tu peux pas tout être. Et on le voit clairement avec l’avènement des téléréalités, tout le monde veut être un ange ou j’sais pas quoi, et être une super star sans rien de spécial. En fait le but c’est pas d’être doué, talentueux, juste, etc, mais d’être connu. surtout dans la culture. Et ça nivèle par le bas tout le niveau culturel, notamment français. Par exemple, t’auras plus de facilité à obtenir des ronds pour réaliser des films qui vont capitaliser sur des trucs racoleurs. Genre un couple rebeu/blanche et la famille qui l’accueille avec tous les clichés et y a le pote noir qui vient qu’est rigolo et qui va tomber amoureux de la sœur du chinois… [#LooL] Et en réalité, moi je trouve ça triste pour les nouveaux kids, ils ont pas beaucoup de chance en termes de ce qu’on leur propose et en même temps à eux d’être un peu curieux et d’arrêter de se faire barber par tout, n’importe qui, de la sape à la musique quoi. Faut un petit peu… et c’est pas une question d’être vieux jeu, du tout hein, c’est qu’à un moment donné faut creuser.

Et s’il y a encore un game qui respecte encore un petit peu ses fans quelque part, c’est peut-être les jeux vidéo où les mecs augmentent le level, arrivent à trouver, j’suis pas un geek mais y a toujours en tout cas un minimum de travail, un minimum de « respect » du fan, même si les mêmes critiques pourraient s’effectuer, il reste quand même de la virtuosité etc. 

Pour résumer un peu vulgairement, les bas-instincts ou les choses triviales sont la base de beaucoup de créations aujourd’hui. On a appelé ça la culture de l’enjaillement. Et il ne s’agit pas d’être rabat-joie, pour moi y a pas de problème, tu peux t’enjailler, boire, serrer pendant qu’on te passe une soupe musicale sympathique, tu danses et tu t’enjailles y a aucun problème. Mais après quand la soupe coule h24 dans tes oreilles, dans tes écouteurs c’est quand même dommage. Et c’est dans la vie en général cet enjaillement. Par exemple, tu parles avec quelqu’un, j’veux pas stigmatiser les nôtres, mais tu parles avec un groupe de rebeus, tu parles du monde, tu vas peut-être même aujourd’hui moins parler de nos propres pays d’origine que de Cancun, de Punta Cana, de Phuket, etc. Alors bien sûr y en a qui aiment vraiment la Thaïlande pour des raisons moins basiques j’imagine… exemple, moi je connais des gens, ils sont vraiment attacher au truc, c’est limite ils partent thaï et compagnie, pour moi c’est un respect, tu découvres une autre culture, tu tombes love d’elle… y a pas de problème là-dessus. Mais y en a, si tu veux, c’est vraiment encore une fois le consumérisme, il fait écouter, regarder, manger de la merde déguisée. Il emmène tout le monde dans les mêmes endroits, dans les mêmes machins, c’est incroyable, c’est incroyable ! Et c’est vrai qu’nous on est pas particulièrement touchés par la bolotisation massive quoi, après… chacun voit midi à sa porte. 

Alors, Maggle, ton avis sur cette définition ?

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