– Kohndo – Part 3

Bon, j’crois qu’avant de finir notre conversation faut peut-être que j’te présente justement notre invité. Mais qui est Kohndo, tiens ? Tu l’auras compris, c’est un rappeur français, que dis-je, un artiste ! Entre le 9.2 et Bobigny, il naît et grandit mais tu remarqueras que dans ses textes, il revendique surtout le 9.2 [Boulbiiiii]. Ses voisins ne sont autres que les frères Zoxea et Melopheelo, Les Sages Poètes De La Rue avec Dany Dan. Bref, il se passionne pour le hip-hop [il nous pourquoi plus bas, t’as qu’à lire jusqu’au bout wesh !] et monte son premier groupe Coup d’Etat Phonique qui, par la suite et avec plus de membres, devient La Cliqua, plus largement, un collectif #HipHop 😉 Comme beaucoup, Kohndo fait son petit bonhomme de ch’min et sort plusieurs EP et albums solo entre 1998 et 2016. Il a récemment ressorti un son avec un de ses anciens acolytes, Dany Dan. D’ailleurs… c’est bientôt le weekend ! #LoL

Bref bref, Kohndo c’est un rappeur de taille, avec des textes “conscients” et une manie des mots technique. On aime ou on aime pas, c’est quand même une sacrée légende avec une culture du hip-hop bien ancrée. Tout c’qu’on aime !

Et sinon, toi aussi tu penses que le hip-hop c’est un mouvement de paix ?Pourquoi aujourd’hui les gens font du rap ? Y a plein d’raisons. Je pense que si tu fais du rap déjà c’est parce que c’est fun et que c’est facile d’accès. Ça veut dire que si tu veux avoir une bonne technique de chant il te faut un bon feeling de départ. T’as pas besoin de passer par une école pour apprendre à chanter mais à un moment soit t’as un très très gros feeling, ce qui est quand même assez rare, soit il te faut de la connaissance et de l’apprentissage. Pour le rap t’as un paramètre, c’est-à-dire que tu peux venir avec une voix pourrie, avec une voix grave, avec une voix aiguë, mais t’as besoin d’avoir une notion : c’est pas une notion de hauteur, c’est une notion de rythme. T’as juste besoin d’avoir du rythme. Et t’as besoin d’avoir des idées et en plus c’est juste des idées sympas parce que les gens en général ils rappent comme ils sont, comme ils parlent. Donc finalement c’est la forme musicale au départ la plus simple. Ça ne veut pas dire que y a pas de complexité. La mienne, mon style de rap est hyper complexe techniquement. C’est du travail musical, c’est de la chirurgie musicale et c’est ma signature. C’est mon histoire. 

Donc on rentre dans le rap parce que le rap c’est fun, c’est simple à faire. Et pourquoi aussi aujourd’hui c’est plus facile ? Bah pour le coup : internet. Aujourd’hui, tout l’monde a un téléphone ! Et en fait la caractéristique de l’Afrique et des pays sous-développés c’est qu’ils ont créé tous les nouveaux développements à partir du téléphone. C’est le téléphone le nouvel outil mondial interplanétaire qui connecte les gens et qui permet aux gens de raccourcir les distances. Donc le truc c’est que quand t’es au milieu de la cambrousse, et que t’as ton téléphone, et qu’tu veux avoir accès à de la musique, t’as pas besoin de rassembler six personnes autour de toi : un batteur, un bassiste, un truc, un truc… Tu vas sur YouTube, tu télécharges une instru’ – parce que dans le monde entier y a des gens qui mettent leur instru – et ça c’est hip-hop ! C’est du don, c’est du partage ! En fait quand tu regardes bien le monde, tu vois bien que le hip-hop est là mais à des endroits où tu penses pas, en fait. Donc y a pas plus hip-hop : si un soudanais il veut faire un morceau de peura, il a juste à aller sur YouTube et il trouve son morceau de peura. Et avec les outils d’son téléphone. Moi j’ai fait des morceaux au téléphone. Ca veut dire que je peux enregistrer – j’ai plus besoin d’avoir un studio – mon téléphone et mon casque de téléphone me suffisent à faire un morceau. C’est un truc de ouf. Tu vois, dans la débrouillardise, c’est ça le hip-hop aujourd’hui !

Et ben toute à l’heure [lol, “toute à l’heure3 remonte à y a 2 semaines pour nous, Maggle] t’as dit le hip-hop se meurt. Et ben maintenant j’te réponds : tu vois bien qu’en fait il est pas plus vivant que maintenant. Et même moi, je t’en parle et j’me surprends ! Mais en fait il est là ! Un soudanais, un mec qui est au Burkina [dédicasse à mon tonton], qui est à Ouaga, ou un mec qui est à Lomé, quand il a son téléphone, il fait un morceau dans la journée ! Dans la journée ! Et le mec il l’a mis sur les plateformes dans la journée ! Y a pas plus hip-hop que ça. Le vrai truc qui nous pollue, la vérité, c’est le #RapGame. C’est l’idée de faire du chiffre. Tout l’monde croit que celui qui a le plus de vues, c’est le meilleur [on est d’accord…]. En fait non. C’est juste que t’as le meilleur marketing. C’est pas du talent. Le talent il peut pas chiffrer. C’est pas que c’est pas corrélé mais ça peut pas chiffrer. Tu vois, moi c’est pas mon esthétique, que ce soit Booba, que ce soit PNL, même Médine, c’est pas mon esthétique. Pourtant je peux pas leur enlever ce qu’ils ont, ils ont une capacité : leur message ça touche des gens. 

A un moment quand tu commences à être un phénomène, tu touches les gens, tu touches plus de monde, et, comme la musique, t’es toujours connecté à une émotion [et toi, Maggle, t’associes quelle émotion à quel artiste ?]. Et à travers le temps tu restes en fait. Tu peux pas disparaître. Ou si tu disparais, il suffit juste qu’on te ravive le souvenir pour que tu réapparaisses. C’est comme ça. C’est pour ça que moi, ce qui personnellement manque à ma carrière, c’est un hit. Parce que quand t’as un hit, tu restes dans le temps. Moi je vois bien que les gens viennent me voir, souvent ils me disent : “p*tain moi j’étais fan de La Cliqua” et j’leur dis ouais mais tu sais La Cliqua c’est 4 ans d’ma vie et en fait t’étais pas fan de Kohndo, t’étais fan de Rocca et Daddy Lord C. Et il se trouve qu’y avait Kohndo [#LoL]. Mais c’est ça quand les gens viennent me parler. Par contre j’ai vraiment des gens qui viennent parce qu’ils m’ont découvert sur Deux Pieds Sur Terre, sur Tout Est Écrit, etc [album solo de l’artiste ;)] Et là, La Cliqua ça existe même pas pour eux. C’est là où y a affaire de génération. 

Je pense que ce qui est drôle aujourd’hui – c’est un autre sujet mais bon – ce que j’aime dans le hip-hop, c’est comment en fait y a des gens qui peuvent être de générations totalement différentes et qui réussissent à débattre là-dessus. C’est-à-dire que toi t’as 29 ans [à l’époque :(], moi j’en ai 42, je vais voir un petit cousin qu’en a 15, et c’est marrant parce que tous on va parler ensemble. Et ça c’est cool parce que vraiment, quand moi je suis né, c’était la musique de ma mère, mais on pouvait pas en discuter, tu vois ce que je veux dire ? Générationnellement y avait un gap qui faisait qu’on pouvait pas se comprendre. Tu vois aujourd’hui, pour qu’on se comprenne il fallait que je grandisse, que je puisse faire le chemin. Aujourd’hui en fait on peut ne pas s’apprécier, c’est pas les mêmes codes esthétiques et pourtant c’est la même base. On peut ne pas être d’accord mais on peut se parler. C’est ça le hip-hop en fait et c’est aussi ce qu’on a gagné avec les années.

Et toi c’est quoi qui t’a plu dans le hip-hop ? Alors c’est très simple, t’as ceux qui sont plus vieux que moi, donc j’ai envie de dire la génération 1 – 2 : Dee Nasty ça va être celui qui découvre le rap sur place. Donc lui c’est une expérience personnelle, où il est physiquement impliqué. T’as ceux qui ont une expérience par personne interposée : c’est-à-dire ceux qui vont écouter Sidney – qui lui aussi découvre le rap là-bas sur place et tout – qui vont écouter les sons de Sidney, Radio 7, les émissions de Phil Barney et d’autres encore [retour sur le tout premier article du blog, Maggle :)]. Donc, t’as les auditeurs qui, eux, vont essayer les premiers raps, vont avoir une expérience par personne interposée. Ensuite tu vas voir ceux qui vont vivre l’expérience, qui vont tenter de reproduire l’expérience : ça c’était la génération 2. La génération 2 ça va donner les freestyles de Radio Nova, Deenastyle avec Lionel D et Dee Nasty et tout [popopopoo, et dire que la semaine dernière on vivait la version 2.0 du Deenastyle, c’est dingue !] Donc ça c’est les faiseurs, les premier bâtisseurs, les pionniers, ceux qui se risquent [la base quoi !].

Moi je fais partie d’une génération qui va vivre l’expérience des pionniers et en même temps qui va subir aussi, positivement, un changement de média. Premier changement de média c’est, on en parlait toute à l’heure [fin, y a quelques jours sur le blog], vinyl/CD, et en plus du CD il va y avoir le clip. J’ai 13 ans quand je regarde Yo MTV Rap parce que j’ai la chance de faire partie des premiers qui ont été câblés [M.D.R. et moi je devais squatter chez mes potes pour regarder Trace TV, quelle époque !]. Donc en fait je vis aussi une expérience sensorielle. Ça veut dire physiquement je suis impliqué, je vois des gens en mouvement, donc je vois comment ils font, j’entends comment ils font et en même temps de l’autre côté j’ai un comparatif : je peux comparer c’que font les français qui eux n’ont pas vu autant que moi, ou différemment, et je me dis tiens là y a un delta et moi mon rôle c’est de combler le delta. 

Bah moi donc je me suis retrouvé dans le hip-hop par H.I.P.H.O.P. [achipé-achopé pour les intimes #susu], donc c’est une expérience sensorielle télé. Ensuite, Lionel D/Dee Nasty sur Nova, les Sage Po qui habitent au 4ème étage et moi au 5ème… donc je suis aussi dans un mouvement. Et pour finir, Yo MTV Rap. Tout ça donne mon enfance de 12 ans à 18 quoi [adolescence plutôt, non ?]. Et à 18 je sors mon premier album. Mon environnement était tellement hip-hop en fait, je quittais l’école le mercredi après-midi, j’allais à La Muette, j’allais avec des potes, et j’allais regarder les graff’, tu vois. J’allais au trocadéro voir des danseurs. C’est plus tard genre, c’est vers 17/18 ans, j’allais dans quelques clubs pour voir un peu, pour faire des soirées… J’étais pas un gros clubber. Et après surtout, c’est moi je l’ai fait [le hip-hop] et je suis vite arrivé avec mon groupe, avec Coup d’Etat Phonique, qui était composé de Egosyst, Raphaël, moi, et les Lunatic, entre autres. Donc tu vois, on s’est vite retrouvés à faire des émissions de radio, à faire des concerts et après quand on rencontre Daddy Lord C et Rocca, bah là on fait vraiment des gros concerts qui font que bon bah… “le quelque part” c’était long [genre on commence tous quelque part, t’as capté, Maggle ? Mais chacun à son rythme, donc relax].

On finit la discussion sur une note fraîche, qui donne envie d’aller plus loin encore.

Tu travailles avec l’Entourage ? Non. J’aimerais hein, mais j’ai envie d’te dire, pour moi l’Entourage ce sont les Senseis. Moi j’suis un Sensei, eux ce sont des Senseis et c’est cool. Ils ont leur école maintenant, moi j’ai la mienne. Personnellement je rêve d’être plus en connexion avec des jeunes reustas parce que y a beaucoup de gens qui sont passés par mon dojo. Tu vois, S-Pri Noir est passé par mon dojo, Jazzy Bazz aussi, Nekfeu… Pas longtemps hein, mais par contre ce que je veux dire par là c’est que ça pour moi c’est déjà plus la nouvelle génération, et donc maintenant j’aimerais bien bosser avec des nouveaux et échanger avec eux et avancer aussi quoi. Parce que je trouve que y a que comme ça que je progresse. Des deux côtés hein. Moi aujourd’hui j’ai autant à apprendre des jeunes qu’ils ont à apprendre de moi. [WOW, j’ai rien à rajouter, Maggle].

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