– Kohndo – Part 1

On rencontre Kohndo en juillet 2019, à Paris, dans son arrondissement de prédilection. Et tout ça grâce à Fab, oui oui. Grâce à notre dear DJ Fab, qui lui a parlé du projet lors du pot de départ d’une autre star du milieu auquel j’avais retrouvé Fab lui-même pour justement discuter Hip-Hop… Tu suis ? Fin bref, Fab a fait une passe Hip-Hop ce jour là et voilà le résultat.

PS : à l’époque je vivais à Toronto et ma passion ultime c’était de dire combien j’aimais pas cette ville pour son manque de #HipHopSpirit ou en tout cas son obsession pour Drake, le #HomeBoy. Du coup, le début de la conversation ça donne ça :

Kohndo: C’est comme à Marseille, t’auras que Jul !  [Y a IAM quand même.] Y a IAM pour les connaisseurs. Mais quelque part, c’est vrai c’que tu racontes : y a des villes où y a le représentant de la ville et le reste n’existe quasiment pas, quoi. Mais en tout cas Drake est tellement énorme à travers le monde que pour sa ville natale, y a que lui. C’est comme à l’époque quand j’allais à Detroit. Quand j’étais à Detroit sur mon deuxième album, y avait que Eminem [the G.O.A.T.] et D12. Et pourtant moi j’trainais avec Slum Village [if you know J Dilla, le plus grand producteur de tous les temps, tu connais Slum Village, Maggle !] et je leur disais j’comprends pas chez vous pourquoi… [en effet, whyyyy, wesh !?] Et alors on me disait “Slum Village and Dwele: they are quite famous.” Et t’es là tu t’dis ah ouais mais non quand même ! En fait Eminem c’était son époque avec Dre. C’était lui l’étoile. Le reste ça n’existait pas.

[Parenthèse, Maggle : on est en train d’apprendre que Kohndo trainait, oui, TRAINAIT, avec J Dilla. Qui a eu cette chance dans sa vie ? Qui a eu cet honneur ? J Dilla, wesh, J Dilla ! Paix à ton âme, sacré génie.]

Pour en revenir à Drake… Au départ Drake il voulait faire comme les américains et donc il l’a fait. Il l’a fait jusqu’à un moment, c’est les américains qui veulent faire comme Drake. Genre là c’est le monde qui veut faire comme Drake.

Et Toronto c’est aussi Justin Bieber… Ah mais moi j’kiffe ! Alors au départ, tu vois, tout l’monde n’aimait pas ce teenager et tout. Mais moi avec Sorry là… [C’est vrai que ce son met tout l’monde d’accord. Et alors le clip avec les danseuses, mammaaaa].

Après j’me souviens d’un live où il kick avec Nas et il a défoncé ! J’ai fait bon, d’accord. On a pas d’équivalent français pour comparer [Matt Pokora ? #Joke]… Mais quand même, y a des gars comme ça qui sont assez surprenants. C’est qu’à un moment tu vois où est le marketing et après tu vois où est l’artiste [et là, Maggle, on rentre dans le sujet qui fera le reste de la conversation, reste focus ;)] En fait y a quand même un truc : on a beau dire, les artistes américains, même si lui il est de Toronto, ont un vrai niveau d’exigence. C’est des bosseurs. Et donc en fait t’arrives pas là où ils sont sans taffer. Y a pas de tocards. [et là on explose de rire parce que…] Chez nous y a beaucoup de tocards qui peuvent faire carrière ! [CQFD ! – je ris encore en écoutant l’enregistrement xD]

Et bah justement, je/on constate que l’essence et l’authenticité du hip-hop se sont perdues avec cette nouvelle génération.

Moi déjà dans ce que tu dis c’est le postulat de départ qui à mon sens est pas juste. En fait j’crois que tu confonds #HipHop et #RapGame [good question, inspecteur.] En gros, le hip-hop est toujours là. Le hip-hop, si c’est de la débrouillardise, c’est toujours là. Si c’est une intelligence tactique mise au service de l’art, c’est toujours là. Tu vois ? Même je trouve qu’en termes de mise en réseau, mise en lien, de groupes, par exemple, quand je regarde la carrière de tous les gens issus de l’Entourage [aaah les fameux !], je vois bien que le hip-hop est là. Pour moi il sont très révélateurs de ce que peut être le hip-hop et de ce qu’il a pu produire. [Alors là, Maggle, on ne peut être plus de accuerdo. L’Entourage c’est pour moi l’exemple d’une jeunesse qui perpétue sa culture. J’aime beaucoup ce qu’ils représentent, indeed. T’es pas d’accord ?] Et là on parle des groupes de rap. Mais tu vois, en termes de danse aussi t’as encore ça [référence au groupe Wanted]. Même dans le nouveau style de peura ! Je trouve que la façon dont les jeunes rappeurs ont de s’interconnecter, de créer des feat entre eux et tout, ça existe. Parfois je peux être un tout petit peu mitigé sur Fianso, mais quand, par exemple, il fait Le Cercle, pour moi c’est hip-hop. Donc tu vois finalement j’arrive à t’en citer pas mal des exemples hip-hop [ouais mais j’trouve pas qu’ils ont la place qu’ils méritent face aux “tocards”…]

Là, j’ai fâché Kohndo…

L’Entourage c’est énorme ! Le Cercle c’est énorme ! Quand même ! C’est pas juste de dire ça ! Attends, Alpha Wann, il fait complet sur toutes ses dates depuis 5 ans ! Tous les gens de l’Entourage, Jazzy Bazz, il est complet ! [oui ok…] Là c’est intéressant de comprendre que y a des données chiffrées qui vont donner à lier… Parce qu’en fait y a la sensation et la réalité. Forcément ta sensation elle est déformée parce qu’en plus du hip-hop, t’as le rap game. Et en fait c’est ce rap game qui prend beaucoup de place. Mais réellement, j’ai envie de te dire, c’est comme si le hip-hop c’était un peu un filet d’eau claire, une rivière. Et tu sais dans la mer, t’as des rivières d’eau de source. Et c’est c’est comme si cette grande mer avait monté, monté, monté, mais que y avait toujours le même filet en fait. Donc tout est là ! C’est juste que le rap est devenu tellement énorme parce qu’on est passé d’une culture underground à une culture mainstream.  On était complètement minoritaires et on est devenus majoritaires et on est devenus la variété française [et bim!] Donc t’as ce sentiment, et moi même souvent je suis obligé de retrouver des balises pour comprendre qu’en fait j’suis pas dans le vrai quand je tiens ton propos. Parce que moi aussi je dis ça. Moi aussi je dis “le hip-hop il est dead, ça me fait chier !” T’sais ça m’arrive d’avoir des moments comme ça mais souvent après je me dis, est-ce que c’est vrai, en fait ? Est-ce que c’est vrai ? [alors, c’est vrai, Maggle ? Le Hip-Hop est dead ?]  Par contre on va se poser plusieurs questions ensemble en fait. La première c’est déjà ça : bien identifier c’est quoi le hip-hop [eh c’est moi qui pose ces questions là, wesh !] 

Bah justement, tiens ! Quelle est ta définition du hip-hop ?

Pour moi, j’dis toujours, le hip-hop – je prends la définition de KRS One que j’adore – c’est c’que tu es et c’que tu vis, et le rap c’est c’que tu fais. Tu vois ? C’est à dire que le hip-hop c’est vraiment un style de vie, c’est une façon de penser, c’est une culture, ça s’inscrit dans une histoire. D’accord ? Par exemple regarde, Mobb Deep, qui sont des enfants des années 70 – ils doivent être nés dans les années 75 un truc comme ça [en 74 exactement ;)] – et ils font leur jeunesse en 90. En 90 y a Yo MTV Rap. Est-ce que t’imagines Curtis Mayfield [star de soul, funk, tonton Mayfield est reconnu pour avoir influencé le rap] venir à Yo MTV Rap ? [Non…] Y a 30 ans d’écart entre Curtis Mayfield et Mobb Deep. Et bah dis toi qu’entre Kohndo et Josman y a 30 ans d’écart. Tu vois ? Donc y a un moment faut juste rester cohérent. Moi en fait le moment où ça pète c’est 94. 94 – 2014, je dis des conneries, c’est 20 ans, ok ? Mais tu vois 20 ans c’est énorme en fait ! Donc y a un moment tu peux pas t’attendre à avoir dans les charts, dans ce qu’est l’industrie, des gens capitalisés sur ce qui s’est passé y a 20 ans. C’est pas possible. Et pareil, tu peux pas demander à un enfant qui est né dans son époque de se soucier de ce qui y avait 20 ans avant [wait, whaaaat? Mais si, c’est justement ce qu’il faut promouvoir !] Pour se soucier de ce qui avait 20 ans avant, ça veut dire qu’il faut être super installé dans son époque et être mûr. Et donc pour être mûr, je pense qu’il faut un certain âge en fait. T’es pas mûr 15 ans [certes, mais on est là pour y remédier, Maggle, pas vrai ?] Et quand tu commences à avoir 25 ans, 30 ans, tu commences à être dans l’âge de l’émancipation, dans un âge où finalement, c’est bon, les conflits avec papa/maman sont un peu réglés, ou vont commencer à se régler. Et là tu commences à te dire est-ce que mes parents étaient vraiment des cons ou pas ? En général, c’est plutôt à 35 ans, au premier enfant plutôt qu’à 25 [LoL], mais pour ceux qui sont un peu précoces, ils vont dire “mais attends, finalement peut-être mes parents étaient pas aussi cons que ça, si ringards que ça.” Ça équivaut à dire ça pour [le hip-hop]. Parce qu’en fait un jeune il peut pas penser comme ses parents et c’est pas bon qu’il pense comme ses parents. Tu vois moi par exemple, 29 [mon âge à l’ééééépoque] ça peut m’inquiéter que tu sois trop dans les 90’s et pas assez dans ton époque. Par contre ce que ça dit c’est que y a un moment toi t’es en train de dire aussi “moi y a des valeurs que je trouve plus”. Et dans les valeurs que tu trouves plus c’est parce qu’en fait médiatiquement on t’offres pas ces valeurs là. Et parce que médiatiquement, on a compris de tous temps que les valeurs qui fonctionnaient le mieux c’est des valeurs en fait qui sont plus liées à l’argent. L’argent domine. C’est à dire que dans les années 90 l’utopie domine dans le hip-hop, mais après dans l’industrie du disque, non, c’est l’argent. Ça a toujours été là. Le sexe ça a toujours été là, la drogue ça a toujours été là ! Y a quoi encore ? En bref, c’est : tout le package est plus important que le fond. Le contenant est plus important que le contenu, tu vois ? [Oui, malheureusement…] 

Donc quand on en est là, bah tu vois, médiatiquement on nous propose un regard déformé de ce qu’est réellement notre culture. Mais notre culture, elle existe. Moi quand j’fais des concerts je suis surpris quand justement j’ai des vingtenaires qui viennent me voir. Hier y en a un qui vient me voir comme ça, j’suis dans le métro et il me dit “Kohndo, mortel Ma Définition !” 

J’lui dis “mais comment ça se fait qu’tu connaisses ça, toi ?” Il a 20 piges ! Donc j’me dis tu vois, c’est super ! Et quand parfois j’fais des ateliers on fait des freestyles. Et la question c’est Boom Bap ou Trap ? Et ben ce qui est intéressant, c’est sur quoi on va freestyler. Et ce qui est intéressant aussi c’est que y a toujours des gamins qui kiffent le Boom Bap parce que c’est une esthétique à part entière et la Trap c’est une autre esthétique. C’est vraiment une question de goût. C’est juste pas la même chose. Par contre, l’état d’esprit, c’est-à-dire, j’vois bien que faire du collectif, réussir ensemble… [ça marche, c’est l’essence même du hip-hop !] >> En fait, y a les deux camps : y a ceux qui veulent réussir vite, qui vont rentrer dans le game [f*cking Rap Game], et y a ceux qui veulent faire de la zik et qui kiffent ça, qui eux, sont toujours hip-hop. Et ils sont là. 

RDV semaine pro pour la suite, Maggle. A ton avis, c’est quel camps qui gagne la bataille ?